Au Bord du LAK – février 2020

DOSSIER Actualités internationales

Par Émilien Cotrait, élève en Tle ES

En 2019, la contestation s’est mondialisée

La foule scande des slogans qui rassemblent, des drapeaux flottent au vent, un parfum de vengeance – contre le pouvoir, la vie chère, les inégalités sociales ou encore la répression – se répand dans l’air. De plus en plus de monde vient compléter cette masse qui gronde et refuse, et nous, journalistes, constatons ces rassemblements populaires un peu partout à travers le monde. En 2019 les rues ont ainsi été perturbées par des manifestations en Amérique Latine contre la sphère politique, les inégalités et le coût de la vie. Au Moyen Orient, certaines nations peu tolérantes et démocratiques ont fait face à des soulèvements populaires contre la hausse des prix des carburants et la répression permanente. De l’autre côté du globe, Hong Kong – ancienne colonie britannique, et indépendante jusqu’en 2047 – a été traversé par de violents affrontements entre des manifestants « pro-démocratie », s’opposant aux attitudes politiques hégémoniques et liberticides du gouvernement Chinois. Enfin, la France a été le cadre de fortes contestations. Si les mouvements ont été nombreux dans l’hexagone – mouvement des « gilets jaunes », des étudiants, des professionnels de santé, contre la réforme des retraites, etc. – les manifestants ne manquent pas de détermination. On pense également à l’Algérie et la Catalogne (en Espagne), où la contestation s’est exprimée – respectivement – contre le pouvoir en place, et selon des volontés d’indépendance. Partout dans le monde, les mouvements se sont intensifiés, souhaitant toujours obtenir gain de cause. Enquête sur ces mouvements de contestations mondiaux répandus, mais bien différents. Quel est leur point commun ? La détermination des peuples, sans doute.

L’année 2019 a ainsi été marquée par de grands mouvements de contestation populaire à travers le monde. D’un bout à l’autre du globe – de l’Amérique du Sud à la Chine, en passant par l’Occident et le Moyen Orient – les peuples ont exprimé leur colère et leurs revendications, dans des manifestations devenues de véritables armes d’influence quand elles voyaient leur rang s’agrandir. On dit en effet que ces mouvements de contestation sont très variés, tout comme leur déroulement, les risques, et les revendications des manifestants. Tout ceci dépend d’un ensemble de facteurs que sont, la situation économique et sociale d’un pays, le niveau de vie de ses habitants (aussi bien sur le plan financier que sur celui des libertés), mais aussi et surtout du degré de détermination des peuples mobilisés, et des limites qu’ils se fixent dans leurs actions. L’année se termine de façon mouvementée, et les évènements en disent long sur la conviction des peuples à défendre leur situation, aussi diverses soient-ils. Ensemble, voyageons sur les « terres de contestations » nombreuses, mais bien différentes…

Hong Kong, et le mouvement « prodémocratie » – « Manifestations monstres, répression policière, menace d’intervention de l’armée chinoise… Et si la crise hongkongaise s’expliquait par une date tant redoutée ? Celle de 2047. » introduit L’Express, dans une vidéo d’analyse. Le sujet souvent est présenté dans le feu de l’action, car le peuple lutte sans relâche contre les attitudes politiques hégémoniques et liberticides du gouvernement chinois. Pour en revenir à l’analyse de L’Express, le problème est de longue date. 2047 est la date d’expiration d’un fonctionnement inédit, celui du « 1 pays, 2 systèmes ». Il règlemente Hong Kong et son statut de région semi-autonome au sein de la Chine depuis 22 ans et lui permet d’avoir ses frontières, sa propre monnaie, et ses libertés – bien plus larges que sur le territoire chinois. On comprend qu’à Hong Kong, un mode de vie capitaliste, démocratique et prospère – semblable à celui de nos sociétés occidentales – s’est développé sans peine tout au long de l’occupation britannique, et n’a pas grand-chose à voir avec son voisin communiste. Selon « l’Accord sino-britannique » négocié, la transition diplomatique – période durant laquelle la semi-indépendance et le système capitaliste de Hong Kong sont conservées – dure 50 ans (de 1997 à 2047). Ainsi, dès 1997 « la Chine semble bien décidée à reprendre le contrôle de Hong Kong, après des années d’humiliation britannique » explique L’Express. Les libertés sont menacées à de nombreuses reprises par Pékin, en vain, car à chaque fois les hongkongais se mobilisent massivement pour faire respecter leurs droits : en 2003, un demi million de personnes défilent dans les rues pour s’opposer à un article de loi prévoyant une répression forte à l’égard de toute sédition, de trahison ou de sécession vis-à-vis de la Chine. / En 2012, l’introduction des cours d’éducation patriotique chinoise provoque la colère de plusieurs milliers de manifestants à Hong Kong qui dénoncent une forme de propagande culturelle. / En 2014, un projet chinois prévoit la désignation des chefs de l’exécutif de Hong Kong par un comité restreint à Pékin, ce qui provoque le début du fameux « mouvement des parapluies » et paralyse le pays. / En 2019, un projet de loi facilitant les extraditions vers la Chine des individus considérés comme ‘criminels’ par Pékin, est le pas de trop qui déclenche de nouvelles contestations. Celles si sont beaucoup plus intenses et répétées, comme le rappelle La Voix du Nord, « Les manifestations et actions quasi-quotidiennes, rassemblaient jusqu’à deux millions de personnes dans ce territoire de 7,3 millions d’habitants ». Finalement, les mouvements de contestation hongkongais ont toujours su se faire entendre – parfois dans la douleur – par un recul du gouvernement. L’observation à retenir est que dans un contexte où la Chine et son Président Xi Jinping tentent de s’affirmer sur la scène internationale, Hong Kong est le point de blocage qui lutte face à un régime liberticide. Il entache encore l’image d’une Chine se disant ‘ouverte’ mais qui accumule les ingérences et tente constamment passer sous silence ce territoire.

Liban & Irak, des contestations sur fond de répression – A partir du 17 octobre, partout dans le pays, le peuple libanais s’est soulevé. A la base de leur mécontentement : une taxe des appels téléphoniques sur la plateforme de communication WhatsApp, par le gouvernement. Cependant, la crise est plus profonde : le régime et ses hommes sont accusés de corruption et sont largement remis en cause par la foule – des centaines milliers de manifestants, de toute confessions et milieux – qui demande le renouvellement de la classe politique. La foule crie également son envie d’un autre pays : plus égalitaire et moins sectaire. Il est important de rappeler que le Liban est extrêmement endetté : sa dette publique (dette du gouvernement, calculé en % du produit intérieur brut, PIB) est aujourd’hui équivalente à 150 % du PIB selon les données du FMI (en constante évolution). De plus, pour couronner le tout en termes de d’inégalités économiques, Le Monde écrivait (le 22 novembre 2019) « En 2016, 10 % des plus riches détiennent 57,1 % des revenus. A l’inverse, la moitié de la population ne détient que 10,7 % des revenus. 8 900 personnes représentent la moitié des richesses personnelles du Liban. Les deux familles les plus riches, les Mikati et les Hariri, en détiennent à elles seules 15 % ». La situation économique est-elle grave, au point de devoir imposer des taxes sur des réseaux et applications très fréquentés par les Libanais ? Non, car même si l’économie libanaise est dans le rouge, faire des économies débuterait par la fin de la corruption des hommes politiques, ainsi que par un profond changement de la redistribution, rappellent de nombreux manifestant. Au Liban, les manifestants sont créatifs et déterminés, et beaucoup de manifestations ont été non violentes au cours du mois d’octobre.

Notre voyage géopolitique nous amène non loin de là, en Irak, où les mouvements de contestation se sont fait remarquer par la colère des militants, mais surtout la violence de la répression de ces derniers par les forces de l’ordre, et les heurts qui ont eu lieu. Si les forces de l’ordre qui se sont montrées extrêmement violentes et répressives – n’hésitant pas à prendre les armes et brutaliser la population mécontente afin de ‘rétablir l’ordre’ – ont largement amplifié la colère du peuple irakien, elles ne sont pas à l’origine des contestations. Depuis le mois d’octobre, des milliers d’Irakiens manifestent pour réclamer de meilleurs services sociaux, moins de chômage (autrement dit, plus d’embauches, plus de salaires et une situation de vie décente de manière générale) et la fin d’un système politique corrompu. La rue veut, aussi, une nouvelle Constitution et un renouvellement total de la classe politique. « On manifeste à cause du manque de services et du chômage. Certains membres des forces de sécurité nous traitent bien mais d’autres non. Voilà, vous entendez ces coups de feu. Ils [l’armée et la police] tirent et arrêtent les manifestants », déclare avec peine et horreur, un manifestant irakien au micro de France 24, début octobre. Les propos que je développe ici seront probablement contestés puisque, je le reconnais, la violence s’est aussi beaucoup exprimée du côté des manifestants qui, devant des réponses insuffisantes de la part du gouvernement et devant la répression continue, sont passés du discours aux actes lors des rassemblements. Ce mouvement de contestation a quelque peu reflué en décembre. Mais les affrontements depuis le mois d’octobre ont été si intenses qu’au moins 420 personnes y ont perdu la vie. Ce qui était à la base un mouvement de contestation s’est transformé en véritable conflit civil. De plus, la coupure massive du réseau internet dans le pays a provoqué une escalade de cette violence. Voici le grand enseignement sur ces mouvements au Moyen-Orient : il s’agit d’un soulèvement des peuples, par les manifestations, dans des sociétés peu tolérantes aux soulèvements populaires. Le simple fait que l’État puisse contrôler l’accès et le contenu d’internet, ou encore la façon dont ses forces de sécurité utilisent la force, permettent de parler du gouvernement irakien comme d’une véritable dictature. Quand le peuple voit son fonctionnement et ses libertés menacées, c’est simple : il se soulève.

Algérie, l’aliénation d’un pouvoir ancien et tricheur & Catalogne, un rêve d’indépendance – Nous continuons un voyage de l’Est à l’Ouest du globe et faisons escale à Alger, capitale de l’Algérie. L’AFP a retracé les grandes étapes de ce mouvement de contestation inédit qui a paralysé le pays. Tout commence le 9 février 2019, lors d’un meeting politique du Front de Libération Nationale (FLN), par l’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle. Alors, à partir du 16 février, de nombreuses manifestations débutent dans les grandes villes algériennes et les algériens sont des milliers à défiler, d’abord pacifiquement, pour rejeter un parti politique en place depuis bientôt 20 ans et une classe politique qui ne change plus. Ce mouvement revêt une forme de révolte inédite puisque les manifestants qui se rejoignent à Alger, bravent l’interdiction de manifester dans la capitale, en vigueur depuis 2001. « Aujourd’hui nous sommes contre une personne qui est handicapée, il n’est pas là, il est absent » déclare un manifestant interrogé lors des premiers rassemblements. Ce « il » désigne en effet le président Abdelaziz Bouteflika, affaibli par un accident vasculaire cérébral, et un manque significatif d’implication politique. En effet, il « ne s’est pas adressé aux Algériens de vive voix depuis 2013 » écrit l’AFP. Mais voilà que la crise prend un grand tournant : le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, demande que Bouteflika soit déclaré inapte à exercer le pouvoir. Ce moment est marquant dans la crise algérienne, car il représente l’intervention de l’armée dans la politique nationale. C’est le moment d’une réelle prise de conscience de l’état de santé de ce président. Ainsi, le 2 avril 2019, après 20 ans de règne Abdelaziz Bouteflika présente sa démission à l’âge de 82 ans. Pourtant le mouvement ne faiblit pas, au contraire, il s’intensifie. La voix de Mahfoud, un retraité interrogé le 5 avril dans un cortège, porte le message de tout un peuple – du moins, une grande partie – en colère profonde : « La démission de Bouteflika n’est pas suffisante, nous on veut le départ de tout le système, tout ceux qui ont l’odeur [tendance politique] de Bouteflika ne resteront pas ». Le 9 avril 2019, un dénommé Abdelkader Bensalah, déjà président du Conseil de la Nation, est nommé président par intérim. Alors que l’armée durcit le ton contre les manifestants, ces derniers ne faiblissent pas et réclament le report de l’élection présidentielle prévue le 4 juillet 2019. Deux demandes sont faites auprès de l’armée, puis rejetées par celle-ci, mais faute de candidats, l’élection du 4 juillet est annulée. Elle est finalement prévue le 12 décembre 2019. Par ailleurs, en septembre 2019 un tribunal militaire condamne Saïd Bouteflika, le puissant frère d’Abdelaziz, ainsi que certains ex-chefs du renseignement à une peine de 15 ans de prison pour « complot ». Début décembre s’ouvre à Alger le 1er procès pour corruption de deux anciens Premiers ministres. Faces à toutes ces révélations et ces jugements, l’image de la classe politique algérienne est un peu plus ternie et le mouvement de contestation s’intensifie. En face, la répression se généralise et certaines ONG comme Human Rights Watch dénoncent la « répression généralisée » du mouvement. Plus de 140 personnes sont placées en détention préventive ou sont condamnés. Le 6 décembre, une foule monstre défile à Alger (la capitale) lors du dernier vendredi avant l’élection présidentielle. Ils appellent au boycott d’un scrutin qu’ils considèrent « orienté en faveur de Bouteflika » et non démocratique puisque la plupart des candidats auraient eut des liens avec le vice président par le passé. Ainsi le 12 décembre, l’élection présidentielle se déroule sous tension et l’abstention est record : plus de 6 algériens sur 10 n’ont pas voté ce jour là ! Abdelmadjid Tebboune est le nouveau président d’Algérie, élu dès le premier tour avec 58,15 % des suffrages exprimés lors d’un scrutin mouvementé. Par son poste d’ex-Premier ministre de Bouteflika, Tebboune provoque la colère et encore une fois, des milliers d’algériens sortent dans la rue pour crier « non ! nous n’avons pas choisit ce président » ou « non, la démocratie n’existe pas » car selon eux, la classe politique du pays n’est pas représentative mais orientée. Une fois de plus, l’Algérie se bat pour ses volontés, bravant parfois les interdits, mais toujours dans une logique de contestation d’un pouvoir instable. Par toutes les manières possibles, toutes les issues, ce peuple nous a montré (dans l’histoire – celle de la France aussi), nous montre aujourd’hui et nous montrera demain qu’il se mobilise quoi qu’il advienne, que cela vous plaise ou non.

Partons un peu plus au nord, dans le pays du soleil qu’est l’Espagne. Espagne et Catalogne, si l’on se place dans le camp indépendantiste. Des militants très actifs, réclament l’indépendance de la région espagnole de la Catalogne, que ce soit sur le plan politique, économique et diplomatique. « De violentes manifestations ont secoué la Catalogne dans la deuxième moitié du mois d’octobre, suite au verdict de la Cour suprême espagnole dans le procès de neuf dirigeants indépendantistes catalans impliqués dans la tentative de sécession de la région en 2017. Ces derniers, qui avaient organisé un référendum d’indépendance, jugé illégal par Madrid, ont été condamnés à de lourdes peines de prison, allant de neuf à treize ans. Certaines de ces manifestations [en soutient aux indépendantistes condamnés] ont dégénéré en heurts avec la police à Barcelone et dans d’autres villes. » écrit CNews. Cela a notamment entraîné le report du fameux « Clasico », match de football entre le FC Barcelone et le Real Madrid. Si le mouvement a perturbé le monde du sport, il n’est en apparence, pas moins sportif puisque les affrontements ont étés nombreux et long, relatant de la volonté profonde de certains militants de ne pas céder. Depuis, la tension semble être un peu retombée, même si les indépendantistes catalans continuent à se livrer ponctuellement à des actions de protestation.

France, une année noire – En France, c’est une autre histoire. On ne parle pas, ici, d’un simple mouvement sectoriel touchant donc une partie du pays, ou une catégorie de personne. Ici en France, les mouvements de contestations sont généraux, et très nombreux. On retiendra surtout le mouvement de contestation des « gilets jaunes » qui a su se faire entendre depuis novembre 2018 et tout au long de l’année 2019, par des mobilisations hebdomadaires le samedi : jour de congés stratégique pour un grand nombre d’employés ou de professionnels souhaitant manifester. Cela permettait aussi, en quelque sorte, de pouvoir « tenir la longueur ». Et si tel était l’objectif, alors il est accompli. Mais nous le savons bien, une mobilisation s’alonge dans le temps si les revendications peinent à être entendues. C’est le cas des « gilets jaunes » pour qui la colère générale a été déclenchée, en partie via une pétition en ligne puis sur les réseaux sociaux, suite à l’augmentation des taxes sur les prix de l’essence à la pompe. Alors, on annonce dans les médias qu’un grand mouvement se prépare et qu’il se promet d’être long et déterminé. C’est le début du mouvement. Un évènement que certains français ne manquent pas pour exprimer leur mal-être à travers des revendications diverses et variées. Elles font des « gilets jaunes » un véritable mouvement de contestation de la précarité en France, des inégalités sociales et du sentiment d’abandon de certaines classes de la population par un gouvernement jugé « arrogant » et « élitiste ». Les manifestants parlent alors des taxes sur les carburants, du matraquage fiscal et de la mort des services publics, entre autres. « Les inquiétudes sont aussi hétéroclites que les « gilets jaunes » eux-mêmes » déclare le média EuroNews. Comme je l’écrit ici, les manifestants qui arborent ce gilet ne sont pas spécifiquement issus d’une profession ou d’une tranche d’âge, même si on peut leur attribuer l’étiquette de la classe moyenne. De plus, « ce mouvement s’est organisé en dehors de toutes structures syndicales et politiques, ce qui en fait un mouvement social inédit par sa forme » déclare EuroNews dans une vidéo explicative. Rapidement, le mouvement s’étend partout en France et la colère grandit. Le premier décembre, les chaînes de télévisions nous font découvrir brusquement, Paris « à feu et à sang ». Cette expression est forte et hyperbolique mais elle symbolise un jour de manifestation noire pour la capitale, traversée par de fortes violences et dégradations : un désordre conséquent, une fumée épaisse de gaz lacrymogènes et même des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Ce jour là, alors que la tension est à son comble, que l’Arc de Triomphe a été vandalisé par des « gilets jaunes » et que le désordre règne, le mouvement de contestation s’affirme. Du côté de l’exécutif, les projets sont bouleversés. La priorité du gouvernement est le rétablissement de l’ordre, pour des raisons sécuritaires mais aussi économiques. Réagissant quelques jours plus tard, à la télévision, le président de la République, Emmanuel Macron, annonce la suppression de la taxe sur le carburant et une hausse du salaire minimum (le SMIC) de 100 euros, une prime de fin d’année et le retour des heures supplémentaires défiscalisées. De quoi mettre de la paix sociale dans les villes, les régions et les poches des manifestants aux gilets fluorescents. Le mouvement n’est certes, pas unanime, mais la contestation ne faiblit pas car le discours du président à du mal à convaincre « dans une France qui ne se sent plus écoutée » raconte EuroNews. Mais alors, afin d’écouter les français, Emmanuel Macron a l’idée novatrice et pertinente d’organiser un grand débat national. Dans un certains nombre de villes et villages de France, tous les citoyens qui le souhaitent sont conviés à discuter, débattre et proposer des idées face à divers élus, à des membres du gouvernement et parfois même face au président de la République. C’est une opération réussie pour l’exécutif, le mouvement s’essouffle doucement mais les cicatrices demeurent dans la société française. En effet, malgré une perte de soutien et une baisse significative de fréquentation des manifestations, la colère se fait sentir par moments et les affrontements avec les forces de l’ordres et policiers sont parfois le symbole d’un peuple voulant en venir à bout. On dénombre ainsi plus de 2 000 blessés, dont certains le sont très gravement. Si les violences sont fortes du côté des « gilets jaunes » et que les interpellations ne manquent pas, le mouvement a soulevé la question des bavures policières. Aujourd’hui seulement deux policiers impliqués dans des interventions (très) violentes ont été renvoyés en correctionnelle. Aujourd’hui, la situation des « gilets jaunes » est complètement différente. Alors que le mouvement s’est en grande partie éteint, un autre à repris le dessus, pour une cause différente mais semblable aux revendications passées. Selon Le Monde, « L’appel à la grève générale n’a pas souffert du froid hivernal, le 5 décembre. Avec au moins 806 000 manifestants, selon le ministère de l’intérieur, et 1 million et demi, selon les syndicats, les manifestations se sont déroulées dans environ 70 villes. À l’origine de la mobilisation : le mécontentement face à une réforme des retraites envisagée par le gouvernement d’Édouard Philippe. ». Le 5 décembre, les premières images montraient des cortèges denses et variés. On y apercevait aussi bien des étudiants, des douaniers, différents syndicats ou même des pompiers. De nombreux « gilets jaunes » étaient aussi visibles. Mais dans certaines grandes villes comme Paris, Nantes ou Montpellier, des affrontements entre les forces de l’ordre et certains manifestants ont eu lieu. Malgré quelques concessions et de très longues réunions entre l’exécutif et les différents syndicats, malgré une mobilisation forte et des grèves répétées, le président de la République a assuré [dans son discours de vœux de la nouvelle année], que le projet serait mené à terme. Quel qu’en soit l’issue, nous avons aujourd’hui l’image d’une France en pleine contestation où chacun à son mot à dire. On assiste à une sorte de lutte commune contre un projet jugé impopulaire mais surtout inacceptable sur le plan social, par certains syndicats et militants. Pourtant, l’exécutif semble persister dans un projet de retraite qu’il qualifie de « plus simple et équitable ». On sait que la France et son peuple sont basés sur le modèle contestataire, on sait qu’il est souvent prêt à défendre ses droits et son modèle social, mais est-il prêt à encaisser la défaite de la mobilisation (c’est-à-dire la mise en place du régime de retraite par points) ? L’avenir nous le dira à travers d’autres mobilisations et à travers les annonces de l’exécutif sur l’avancée des négociations.

Amérique Latine, pourquoi ça craque –« La coupe est pleine pour de nombreux citoyens en Amérique latine. Ils estiment être les laissés pour-compte de démocraties élitistes et clientélistes. Des pouvoirs qui perpétuent de vieux schémas de ségrégation sociale et de corruption. En Bolivie, au Chili, en Équateur, la rue réclame des comptes. Au risque de violentes représailles. » écrit Courrier International, en guise d’introduction d’un dossier approfondi sur les différents mouvements de contestations latino-américains. Nous vous invitons à consulter ce dossier d’articles (traduits de la presse étrangère), à l’aide du lien suivant, pour mieux comprendre les enjeux de ces conflits.

https://www.courrierinternational.com/system/files/magazine/h517.pdf

Quel est le point commun de ces mouvements ? La détermination des peuples, sans doute

Le globe terrestre posé sur l’étagère tourne comme une toupie puis s’essouffle. Je l’avais tourné pour que, à mes yeux, se dévoilent les zones de contestation. Je l’avais tourné pour m’assurer que [en France], je ne suis pas le seul à connaitre l’ampleur de ce genre de mouvements. Ensemble, nous avons fait un voyage documentaire dans le temps et les pays pour résumer l’année 2019 : une année où la contestation s’est mondialisée. Nous sommes désormais conscients et même étonnés de voir que malgré les différences économiques et le modèle social de chacun, malgré le fonctionnement démocratique ou autoritaire des pays, et malgré leurs préoccupations variées, tous les peuples se mobilisent avec détermination. Ce qu’il faut retenir, c’est la volonté populaire presque universelle [c-à-d. visible dans tous les mouvements] d’obtenir gain de cause en ne renonçant jamais à ses revendications. Les mouvements de contestation ont des déclencheurs différents mais sont classables en deux grandes catégories : purement social et politique. Didier Billon, directeur adjoint de l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) retient une grande leçon de ces mouvements, dans un entretien au Figaro : « … les peuples sont devenus majeurs, ils veulent faire respecter leurs droits, et ils ne se laissent plus faire face à des pouvoirs dont ils se méfient de plus en plus. ». Mais comment exprimer le « ras-le-bol » ? Par quel moyen rassembler le peuple, autours d’idéaux communs et d’intérêts à défendre ? Les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) entrent alors en scène : elles représentent toute la médiatisation des mouvements (apportée par la presse, les réseaux sociaux, les messageries en ligne …). Dans un monde de plus en plus basé sur une diffusion instantanée et large des informations et des contenus, il va de soi de dire que les réseaux sociaux ont contribué à la popularisation soudaine des mouvements de contestation. Il suffit de prendre l’exemple de la France, où le mouvement des « gilets jaunes » s’est en partie constitué par des groupes de discussion sur Facebook. Il suffit également de prendre l’exemple du Chili, de Hong Kong ou bien du Liban, où la forte utilisation des réseaux a poussé plusieurs milliers (parfois même des millions) de manifestants internautes dans la rue. Ensuite, la presse joue un rôle important – pour ne pas dire prépondérant. Tout conflit est médiatisé de nos jours. Alors que la foule crie des slogans rassembleurs, les chaînes de télévisions et les envoyés spéciaux sont en direct pour constater les évènements. Alors que les manifestants ont battu des records de présence, les journalistes, photographes, cartoonistes et les directeurs(/ trices) de rédactions se réunissent pour immortaliser la contestation sur les pages d’un canard réputé. Pour résumer, les nouvelles technologies et le milieu médiatique (NTIC) « rassemblent de manière complètement inédite ce qui est épars – il suffit à une frange de la population d’être connectée numériquement pour affecter l’environnement dans son ensemble – c’est ainsi que ces mouvements peuvent mobiliser sans organisation préalable et bousculer les régimes les plus autoritaires… » déclarait Guillaume Erner, sur France Culture, en novembre dernier. Il ajoutait que « [Selon] Zeynep Tufekci [une chercheuse turque, auteure du livre Twitter and Tear gas] les réseaux sociaux sont un moyen et une fin, car le but de ces mobilisations est de générer de l’attention ». Ce même chroniqueur de France Culture concluait son intervention avec cette phrase : « à moins de couper l’internet, plus aucun gouvernement démocratique ou autoritaire ne peut se considérer comme solide… ». Or, en fin d’année les autorités Iraniennes ont procédé à plusieurs coupures d’internet sur de longues périodes, comme pour faire taire les mouvements de contestation, comme pour les mater encore plus violemment, à l’abri des caméras et des yeux du monde. Le mouvement Iranien a d’autant plus de légitimité aujourd’hui étant donné les graves erreurs diplomatiques et humanitaires que le régime de Téhéran a connu en janvier, avec les Etats-Unis. Il ne faut donc pas oublier qu’internet est aussi une place de contestation et de débat permanent. Cela permet d’évoquer une caractéristique commune : l’absence de leader incontesté. Il n’y a eu, dans la plupart des mouvements, aucun visage qui incarnait voire dirigeait ces révoltes. Des figures sont bien sûr apparues, ici ou là, mais leur emprise sur les mobilisations était fugace et contestée (preuve encore que les réseaux sociaux sont des espaces de contestation, malgré les rassemblements qu’ils peuvent générer). Mais l’absence de leader est surtout une question de représentation politique, jugée plus ou moins défaillante. On comprend, évidemment, qu’il est compliqué [en tant que manifestant] de vouloir se soustraire à une autorité publique… pour mieux se soumettre à une autorité protestataire. De plus, pour expliquer cette absence de leader, de figure de proue, Frédéric Says déclarait ceci dans Le Billet politique de France Culture : « Dans une société qui perd le sens du bien commun, qui est rognée par l’échec des politiques publiques, mais aussi par l’individualisme, et par le court-termisme, la question suivante se pose partout avec toujours plus d’acuité :  » Qui est légitime pour parler en mon nom ?  » ». Ainsi, las des personnages charismatiques et visionnaires, las des leaders, les mouvements de contestation prouvent leur motivation par la volonté d’être entendus collectivement. Si vous n’êtes pas convaincu par la détermination des peuples à contester, refuser coûte que coûte, la question de la violence est un argument de plus. Des violences de tout types ont été commises : de la simple provocation à la déscision mortelle, de la simple arrestation brusque ou disproportionnée aux heurts les plus violents et risqués. Se battre pour des intérêts, des droits ne justifie pas un recours immédiat à la violence. Mais de nombreux manifestants et bien souvent des faiseurs de troubles (souvent appelés « casseurs » en France) ont déclenché des affrontements avec les forces policières et militaires. Ils ont été nombreux aussi à profiter du désordre pour semer le trouble à leur manière. Si certains manifestants ont justifié leurs actes sous le motif de la vengeance des brutalité subies (qu’elles soient sociales, financières ou physiques), leur violence a rarement résolu la situation. Plaçons-nous désormais du côté des gardiens de la paix, des agents de sécurité, des militaires. Leur rôle était de permettre aux citoyens de manifester, sous certaines conditions, tout en assurant l’ordre public et la sécurité de chacun. Rares sont les mouvements de contestation n’ayant pas été bouleversés par une répression forte – voire démesurée – ou bien par des pertes civiles dans des affrontements. On dit souvent que le point de basculement d’un mouvement de contestation est quand l’armée se soustrait à l’autorité du pouvoir, et rejoint le camp des manifestants. Si ce genre de bouleversement n’a lieu que très rarement, sinon pour faire face à un régime autoritaire ou dictatorial, il montre que les tensions entre manifestants et agents de sécurité (police, armée …) ne sont pas à l’origine du problème : les manifestants ne descendent pas vraiment dans la rue pour se battre contre les policiers, pour tenter de gagner une guerre quelconque et futile. On peut facilement comprendre à quel point les peuples sont déterminés à obtenir gain de cause, quand on voit qu’en Algérie les manifestations (pourtant interdites, un temps) se poursuivent. On retrouve cette même détermination à Hong Kong où malgré les violences incessantes de la police, malgré ses méthodes de défense parfois radicales, les manifestants n’ont pas faibli (actifs depuis cet été au moins). Le retrait pur et simple du projet de loi chinois d’extradition des individus jugés « dangereux », n’a même pas fait reculer les manifestants qui demandaient encore plus d’améliorations par rapport à la restriction des libertés appliquées par Pékin. Une détermination encore visible dans les pays les plus répressifs, comme en Iran et au Chili, ou bien dans les pays démocratiques, comme en France. En bref, tous les mouvements de contestation ont dû faire face aux violences et les ont parfois provoquées, toujours dans un but de prouver sa détermination et d’obtenir satisfaction. « Jamais on n’avait connu une telle mondialisation de la protestation, dans des formes finalement voisines, alors même que la société irakienne n’a rien de comparable avec la société bolivienne ou française, jamais la protestation ne s’est mondialisée ainsi avec une répression semblable même si encore une fois la police irakienne n’est pas la police française. » déclarait Guillaume Erner, sur France Culture.

Les mouvements de contestation en 2019 étaient très variés, comme dans les formes de mobilisation. Pourtant, ils avaient en commun la volonté, plus affirmée que jamais, de ne pas se laisser faire. En 2019, la contestation s’est mondialisée.    

Sources de recherche

Articles de presse :

– Liban, Chili, Algérie… les mouvements de contestation se multiplient à travers le monde (La Voix du Nord, le 26/10/2019) à https://www.lavoixdunord.fr/657265/article/2019-10-26/liban-chili-algerie-les-mouvements-de-contestation-se-multiplient-travers-le

– Amérique latine : où en sont les mouvements de contestation ? (Le Figaro, le 22 novembre 2019) à https://www.lefigaro.fr/international/amerique-latine-ou-en-sont-les-mouvements-de-contestation-20191122

– Mouvements de protestation dans le monde : « Les peuples ne se laissent plus faire » (Le Parisien, le 22/10/2019) à http://www.leparisien.fr/international/mouvements-de-protestation-dans-le-monde-les-peuples-ne-se-laissent-plus-faire-22-10-2019-8177592.php

– Liban : un Etat gangrené par la corruption (Le Monde, le 22/11/2019) à https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/22/liban-un-etat-gangrene-par-la-corruption_6020192_3210.html

– Dossier – Amérique Latine, Pourquoi Ça Craque (Courrier international, n°1 517, p.32 à 39, du 28/11 au 3/12 2019) à https://www.courrierinternational.com/system/files/magazine/h1517.pdf

– Abdelaziz Bouteflika : trop peu, trop tard (Le Monde, le 04/03/2019) à https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/04/abdelaziz-bouteflika-trop-peu-trop-tard_5431144_3232.html

– Hong Kong, Algérie, Catalogne, Bolivie… La longue liste des conflits dans le monde (CNews, le 01/12/2019) à https://www.cnews.fr/monde/2019-11-28/hong-kong-algerie-catalogne-bolivie-la-longue-liste-des-conflits-dans-le-monde

Données statistiques :

– Dette du gouvernement central (par rapport au pourcentage du PIB) (FMI, mi-décembre 2019) à https://www.imf.org/external/datamapper/CG_DEBT_GDP@GDD/SWE/LVA/LBN

Podcast / Radio :

– Pourquoi les mouvements de contestation peinent-ils à faire émerger des leaders ? (France Culture, le 18/11/2019) à https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politique-du-lundi-18-novembre-2019

– La mondialisation de la contestation (France Culture, le 19/11/2019) à https://www.franceculture.fr/emissions/lhumeur-du-matin-par-guillaume-erner/lhumeur-du-jour-emission-du-mardi-19-novembre-2019

Vidéos :

– Liban, Chili, Bolivie, Catalogne, Hong Kong… Le tour du monde des contestations en images (L’Obs, le 25/10/2019) à https://www.youtube.com/watch?v=V6Bzemr26Y8

– Hong Kong : un combat pour la démocratie (L’Express, le 6/09/2019) à https://www.youtube.com/watch?v=EalsHgD0U80

– Manifestations en Irak : l’Etat réprime dans le sang (France 24, le 04/10/2019) à https://www.youtube.com/watch?v=GsLQal5SOuo&t=37s

– Algérie : le résumé des grandes étapes de la crise (AFP, le 18/12/2019) à https://www.youtube.com/watch?v=WiKco_q79f4

– « Gilets jaunes » : naissance d’un mouvement qui a déstabilisé le pouvoir (EuroNews, le 15/11/2019) à https://www.youtube.com/watch?v=6L2Dq-a1MOc

– Grève du 5 décembre 2019 : les manifestations massives en images (Le Monde, le 05/12/2019) à https://www.youtube.com/watch?v=NlDNgumoAZ8

Photo :– Image/dessin d’une manifestation à https://i0.wp.com/fabiusmaximus.com/wp-content/uploads/2018/12/Mob-protest-dreamstime_111755862.jpg?fit=494%2C250&ssl=1

Emilien Cotrait