Au Bord du LAK – 11ème édition

Economie & Environnement

Montagne d’or, l’abandon d’un projet… pas si brillant !

Depuis un mois environ, les médias métropolitains et guyanais ont relancé le sujet de la construction d’une mine d’or à ciel ouvert au cœur de la Guyane : la « Montagne d’or ». Discuté et débattu en 2018, le projet Montagne d’or a divisé l’opinion publique :

D’une part ses partisans prônent un projet économique rentable, générateur de nombreux emplois dans un pays touché par un fort taux de chômage.

D’autre part, les opposants pointent du doigt une installation minière très polluante, pouvant impacter la biodiversité ainsi que la vie des individus vivant en communauté, les peuples autochtones.

Ce sujet est relancé en cette période mai-juin, où l’Etat a beaucoup tergiversé avant de finalement abandonner le projet. Le succès du parti Europe Ecologie Les Verts aux élections européennes et l’attachement des Français à la conservation de la biodiversité ont poussé le gouvernement à prendre une position plus claire en matière de protection de l’environnement. Face à ce constat, une problématique s’impose :

L’abandon de la Montagne d’or est-il une victoire écologique ou une simple étape dans la lutte contre la pollution minière en Guyane ?

L’entreprise et son projet :

L’entreprise « Compagnie Montagne d’Or » (CMO) ou « Compagnie Minière Montagne d’Or » est une entreprise française basée en Guyane, à Cayenne. Elle travaille à l’extraction, au développement et à l’exportation de l’or sur les sites de gisements d’or primaire en Guyane française. Elle se présente comme un consortium Russo-Canadien, puisque ses deux filiales principales très présentes dans son activité sont Colombus Gold (société canadienne) et Norgold (société russe). La compagnie avait fait du projet Montagne d’or le fer de lance de son développement, de sa croissance économique locale et internationale.

Une mine d’or, synonyme d’emploi et de croissance :

Ce projet de mine d’or à ciel ouvert situé à 125 km au sud de Saint-Laurent du Maroni est présenté comme très rentable, sur plusieurs plans :

Tout d’abord, cette gigantesque installation permettrait (selon les estimations de la compagnie) « d’extraire 85 tonnes d’or de réserves […] soit une production d’or d’environ 6,7 tonnes par an, sur douze ans minimum ». Cette période d’exploitation se traduirait en effet par une forte productivité, d’importants bénéfices seraient générés par la mine.

Ensuite, le site serait une sorte de générateur d’activité et d’emploi : la compagnie espère créer environ 750 emplois directs et 3 000 indirects et induits, ainsi que des formations aux métiers de la mine industrielle. Une offre qui fait rêver, dans une région où le taux de chômage est très élevé, il s’établit aux alentours de 20 % de la population active ! Enfin, la CMO est réellement déterminée à développer le projet, et tente de convaincre les opposants avec deux conditions : la « Sécurité des personnes » et le « Respect de l’environnement » en appliquant toutes les règlementations françaises et européennes.

Cependant, les partisans du projet Montagne d’Or doivent désormais mettre fin à leurs espérances. Leurs efforts sont vains car, à plusieurs reprises, les membres du gouvernement Macron ainsi que le Président lui-même ont assuré mettre un point final à ce projet. Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, invitée à France Info vendredi 31 mai déclare : « Nous n’accepterons pas ce projet qui va éventrer la forêt amazonienne en Guyane et qui n’a aucun sens écologiquement parlant. Ça ne se fera pas ! ». L’annulation de Montagne d’Or a été actée, le projet était jugé incompatible avec les objectifs écologiques fixés.

Opposition : une lutte pour la forêt et la biodiversité

L’Etat n’a pas été le seul acteur dans l’abandon du projet, de nombreuses associations et ONG environnementales ont tenté d’intervenir, de dialoguer et de convaincre d’abandonner la Montagne d’or, un combat rejoint par de nombreux Guyanais. C’est finalement une victoire écologique pour les opposants, le projet aurait eut des impacts terriblement néfastes sur l’environnement local :

Une déforestation massive : selon Le Monde, « l’espace occupé par la mine sera de 8 km². Un gigantesque site industriel qui nécessitera de déraciner l’équivalent de 820 stades de football au milieu de la forêt amazonienne ». Par conséquent cette déforestation impacterait les écosystèmes animaux et végétaux, ainsi que le lieu de vie des populations autochtones et des autres communautés.

Ce n’est pas tout, la mine défigurerait le paysage et le terrain avec sa fosse dédiée à l’extraction de 2,5 km de long, 400 m de large et de 200 m de profondeur.

Ensuite, le projet est critiqué pour l’utilisation de cyanure dans l’extraction de l’or. Ce composant chimique très toxique peut contaminer l’homme et la nature. La compagnie a alors pris des précautions et prévu la mise en place de bassins pour le traitement de l’eau, mais il y a des risques de débordement des bassins en cas de forte pluie, et en cas de rupture de digue. Selon l’ONG allemande Sauvons la forêt, au moins 25 ruptures de digue de ce type ont eu lieu depuis 2000, contaminant ainsi les lieux.

De plus, ce site est très énergivore, le processus d’extraction et de transformation de l’or nécessite une très grande quantité d’eau et d’énergie. Selon les associations de protection de l’environnement, la mine devrait représenter environ 8,5 % de la consommation électrique de la Guyane. Une ligne haute tension de 125 km entre la Montagne d’or et St-Laurent du Maroni est prévue pour alimenter le site. La Compagnie Montagne d’Or répète souvent vouloir minimiser les impacts environnementaux dans ce projet minier, pourtant selon Le Monde, « 142 millions de litres de fuel seront brulés en 12 ans et 140 000 litres d’eau par heure seront nécessaires pour extraire l’or ». 140 000 litres d’eau par heure ? Oui, cela est conséquent et le rendement n’est pas toujours très élevé. Enfin, l’empreinte carbone générée par la construction et les activités industrielles, sur une durée de 12 ans, serait très importante. Autant de problèmes ainsi évités avec l’abandon de la Montagne d’or : voilà une victoire écologique.

Montagne d’or, l’élément déclencheur ?

Plusieurs membres du gouvernement ont réitéré les déclarations négatives dans la presse au sujet de la construction de la mine, pourtant rien n’est véritablement acté et la décision d’abandon du projet doit servir d’exemple. 

Comme nous l’évoquions précédemment, cette victoire écologique pourrait et devrait être une première étape, un début dans la lutte contre la pollution minière. Malgré une situation économique inquiétante, ce territoire peut être conforté à abandonner progressivement l’exploitation d’autres sites miniers, sous la pression et l’implication des citoyens. Cela s’impose, il est logique de mener un projet écologique en profondeur, car la mine Montagne d’or n’est pas la seule en Guyane. Le territoire est largement exploité pour ses ressources minérales souterraines.

Cette affaire aura sans doute éveillé les consciences sur le fait que la pollution minière est loin d’être résolue. Quelles suites, quelles espérance pour un monde plus vert en Guyane ? La réponse au cours du mois de juin, où le ministre de la transition écologique François de Rugy doit se rendre sur place.

Emilien Cotrait

Politique & société

Image https://www.vie-publique.fr

Elections Européennes 2019 : une seule Europe, plusieurs enjeux

Le 26 mai 2019 aura lieu l’élection européenne. Les citoyens de chaque pays membre de l’UE éliront leurs députés au Parlement européen où ils siègeront pour une durée de 5 ans.

Dans ce moment de démocratie aux enjeux majeurs, des interrogations nous viennent à l’esprit : que proposent les candidats sur le plan économique, dans une Europe aux nations et économies très diverses ? Et surtout, que représentent les élections européennes pour les électeurs français ? Pourquoi ce scrutin n’apparaît-il pas comme un vote d’importance aux yeux de beaucoup d’électeurs ?

L’élection européenne est un scrutin complexe à l’échelle d’un continent. Les citoyens de chaque pays membre votent pour des listes représentant des partis politiques ou des groupes. Chaque liste porte un programme concernant le pays en question et l’Europe. Quel que soit le nombre de listes et de candidats, il faut savoir qu’à l’issue du scrutin, chaque pays obtient un nombre d’élus au Parlement Européen proportionnel à son nombre d’habitants. La France en compte actuellement 74. Les sièges sont attribués en fonction du pourcentage de voix obtenu par la liste et selon la position que les candidats occupent dans celle-ci. On parle de « scrutin à la représentation proportionnelle ». En France, le pluralisme politique atteint des records, les électeurs auront le choix entre 34 listes. Cet effectif s’explique par les nombreuses personnalités politiques qui ont pris l’initiative de créer leur propre mouvement ces deux dernières années, mais aussi par la volonté de citoyens qui se sont inspirés du mouvement de contestation sociale des « gilets-jaunes » pour porter des revendications. Avec la quasi-totalité de l’échiquier politique, les électeurs français auront l’embarras du choix. 34 listes électorales et autant de programmes, cela fait un éventail d’opinions très varié. Les quatre grands thèmes proposés par les candidats sont l’économie, l’écologie, la sécurité et l’immigration et les institutions. Nous analyserons les propositions des principales listes concernant l’économie.

Premièrement, l’économie occupe une large partie des programmes, sur fond de justice sociale et de lutte contre les inégalités entre les classes sociales. Alors que les revenus moyens sont très différents entre les pays de l’Union, une idée a été proposée dans de nombreux programmes : la mise en œuvre d’un SMIC (salaire minimum) européen adapté à chaque pays. Cette mesure a été beaucoup reprise car elle permettrait de lutter contre les inégalités de revenus et d’aplanir les différences entre citoyens européens. Les rémunérations dépendent du niveau de vie et du salaire moyen des employés d’un pays. Ainsi, les SMIC européens sont variés et plus ou moins adaptés à l’économie locale. Si le gouvernement est le seul responsable de l’établissement de ce palier de revenu, l’Union Européenne pourrait imposer la mise en place d’un nouveau SMIC adapté à chaque pays, et logiquement plus important. Reste à savoir si cette mesure est applicable : elle contribuerait à l’amélioration du niveau de vie des citoyens et à une augmentation de la consommation, mais impacterait peut-être à court terme les entreprises, qui devraient payer des charges salariales plus importantes. Autre idée, la réforme sur le travail détaché. C’est le second point de discorde entre les principaux partis, certains souhaitant abroger ou modifier ce statut qu’ils jugent trop avantageux. Un travailleur détaché est un employé dans une entreprise d’un pays A, envoyé dans un pays B pour y travailler pendant une période donnée. Lors de son temps de travail, il bénéficie donc de certains avantages économiques spécifiques au pays dans lequel il se trouve. Par exemple les rémunérations (pour un travailleur détaché, il est plus avantageux de travailler en France où le SMIC mensuel brut est d’environ 1 500 €, plutôt qu’en Bulgarie et en Roumanie ou le SMIC ne dépasse pas 450 € par mois) ou encore les conditions fiscales qui ne sont pas les mêmes entre les pays (un travailleur étranger continuera à payer des cotisations pour son pays de résidence, parfois moins élevés). L’idée recherchée est de mettre sur un pied d’égalité les travailleurs européens. Toutefois, cela impacterait le taux de chômage, pour certains pays comme le Portugal, la Pologne ou encore la Roumanie qui ont beaucoup de travailleurs détachés. Concernant le budget de l’Etat dans l’Union Européenne, les propositions fusent encore : La République En Marche par exemple souhaite investir beaucoup dans le budget européen, tout comme Europe Ecologie Les Verts ou bien le Parti Socialiste et Place Publique. Ces quatre partis justifient une hausse de l’investissement pour financer les plans d’action climatique. De son côté, plus opposé à l’investissement budgétaire dans l’UE, le Rassemblement National mené par Jordan Bardella souhaite mettre fin à la Politique Agricole Commune (PAC) et favoriser une politique agricole française. Une idée qui fait débat car il ne faut pas oublier que c’est l’Europe des 27, et pas seulement de la France. Le candidat du Rassemblement National ainsi que d’autres eurosceptiques ont déjà expliqué ces baisses de contribution à l’UE qui ne rétribue pas assez les Etats comme la France. En effet les projets européens nécessitent un large investissement financier de la part de pays membres, mais ils permettent ainsi d’améliorer les écoles, les hôpitaux, les lieux culturels ou les transports, etc. Ceci n’est pas un point de vue mais une analyse : le budget investi dans l’Union Européenne a une réelle utilité. Une seconde candidate, Manon Aubry tête de liste pour La France Insoumise, parle d’un « arrêt de la contribution de la France dans le budget de l’UE » tant que celle-ci « continue de promouvoir une politique d’inégalités ». En effet, c’est par une politique de désobéissance que la liste du parti de Jean-Luc Mélenchon souhaite s’imposer au Parlement. Par ailleurs, La France Insoumise souhaite aussi la mise en place d’un SMIC européen à environ 75 % du salaire médian. Enfin, d’autres idées sont proposées pour limiter le poids des multinationales sur le marché européen, diminuer voire cesser nos émissions polluantes en imposant une taxe carbone aux frontières, lutter contre l’évasion fiscale, etc.

Si je n’ai évoqué avec précision que les mesures concernant l’économie, un autre sujet apparaît comme non négligeable : la crise du climat et de la biodiversité que nous vivons. C’est un thème sur lequel convergent la plupart des partis : ils prônent tous – ou presque – une réduction des émissions polluantes, une préservation de la biodiversité, une diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires nuisibles aux sols et à l’environnement et la mise en place de politiques écologiques… Que de paroles, et si peu d’actes… peut-être que les nouveaux députés européens agiront et permettront, lors de leur mandat, d’éviter d’atteindre un point de non-retour.

Il est évident que les sujets de ce vote sont nombreux et variés. J’ai choisi de détailler davantage les propositions concernant l’économie, afin d’être plus précis et de mieux comprendre les idées. Il y a dans cette campagne européenne une réelle possibilité de changer les choses, quelle que soit l’issue de ce scrutin. Mais les résultats des élections européennes représentent-ils vraiment la totalité des électeurs ? Question rhétorique, le taux d’abstention bat depuis longtemps des records, notamment dans cette élection. Afin de mieux comprendre les raisons de ces forts taux d’abstention, mais aussi l’état d’esprit de certains électeurs à moins d’une semaine du jour J, j’ai interrogé plusieurs enseignants ou membres de l’administration de mon lycée.

Attention : je tiens à préciser que les réponses aux questions sont personnelles, et ne visent en aucun cas à influencer les lecteurs sur une idéologie politique quelconque.

Les personnes interrogées ont répondu à ces deux questions :

  1. L’élection européenne du 29 mai représente-elle, pour vous, un moment décisif ? Pourquoi ?
  2. Pour ou contre l’abstention de vote ?

Dans le CDI du lycée, les deux documentalistes assis au bureau, vivement intéressés par l’élection me répondent :

1. « Cette élection est un moment décisif pour plusieurs raisons, comme la dégradation de l’image de l’UE, le Frexit et la montée des populistes ». Cette professeur documentaliste alerte sur ce qui pourrait être des menaces potentielles à l’unité des 27, notamment le Frexit, version française du Brexit : une expérience catastrophique tant sur le plan national qu’européen, déjà tentée par le Royaume Uni.

2. Elle ajoute ensuite être « contre l’abstention de vote » et même « pour le vote obligatoire car c’est un droit universel, pour lequel certains peuples et pays se battent encore ». N’excluant pas l’idée de prendre en compte les votes blancs (bulletins de votes considérés comme nuls car ne représentant pas l’un des candidat(e)s ou partis), elle conclut sur la nécessité d’aller voter le 26 mai prochain : « le vote est un droit, cela se respecte ».

Adossé au fauteuil, attentif, son collègue apporte ensuite un point de vue sur l’Europe, révélant les raisons des nombreuses abstentions de votes de la part des Français. 1. Il dit : « Ce devrait être un moment décisif de la vie démocratique mais les fonctions du Parlement Européen sont trop méconnues et une grande partie de l’électorat ne se sent pas concernée par cette échéance ». Voici donc les principales explications à l’abstention de vote, mais ce n’est pas tout : « l’image des institutions européennes n’est pas très bonne et cet échelon parait très éloigné des préoccupations des citoyens électeurs ». Et oui, en France beaucoup d’électeurs ne se sentent pas concernés, impliqués par l’Union Européenne, peu de visibilité mais surtout une préférence à la politique nationale qui semble pour beaucoup plus importante.  2. Et vous, êtes-vous pour ou contre l’abstention ? « Contre. L’abstention est une maladie de la vie démocratique », mais selon lui ce phénomène n’est pas uniquement dû au manque de décision des électeurs, « c’est aussi un symptôme dont la classe politique est en grande partie responsable ».

Enfin, arrivé devant le bureau du proviseur adjoint du lycée, je me décide à l’interroger : 1. « Je pense que l’enjeu des élections européennes est doublement important :

* Premièrement pour défendre un ensemble de valeurs comme la démocratie, la solidarité, les droits de l’homme, la liberté de circuler et réussir sa vie où l’on veut, le respect des convictions de chacun, et ce face à la montée des extrémistes et nationalistes.

* Ensuite, afin de fonder un modèle de civilisation qui soit respectueux de notre planète, ce qui ne peut se faire à l’échelle d’un pays. »

Convaincu de l’importance du moment, il ajoute que « ces élections sont décisives car c’est le Parlement Européen et sa future couleur politique qui imposera ses choix et ses domaines. ».

2. En conclusion plutôt pour ou contre l’abstention ? « Vu l’importance de l’enjeu, des enjeux, s’abstenir est dangereux car c’est laisser le champ libre à ceux qui porteront des mouvements extrémistes au Parlement. En clair, il faut voter. ».

Ainsi, ayant effectué mon travail de reporter, je retourne vers vous. 26 mai 2019, une date importante qui en dira long sur l’avenir d’une Union Européenne en plein bouleversement. La semaine d’avant scrutin est décisive, le sprint final des candidats dans la course au Parlement est déjà lancé.

Plus qu’un mot : à vos marques, prêts… votez !

Emilien Cotrait